Mickaël Mary a suivi la formation ARH dans la promotion 2013.
Il est producteur-cueilleur et transformateur en Normandie.
ARH : Mickaël, comment vous êtes-vous intéressé aux plantes ?
Mickaël Mary : Cela a commencé très tôt, dès l’adolescence. Par la découverte et la passion de la nature, je me suis intéressé autant aux plantes qu’à la faune. J’ai fait du naturalisme très jeune, en autodidacte. Au départ je me suis beaucoup intéressé aux insectes et par la force des choses à la botanique.
Après, j’ai surtout développé mes connaissances autour des plantes par le biais de mes études en écologie végétale à l’université.
ARH : Quel est votre parcours avant l’ARH ?
Mickaël Mary : J’ai suivi une maîtrise de biologie et d’écologie végétale à l’Université de Rennes 1 puis un DESS en environnement. Après quoi j’ai travaillé dans différentes structures comme chargé de mission et ingénieur écologue dans la gestion et la préservation d’espaces naturels. Dans le même temps ces dernières années j’ai suivi ma formation à l’ARH.
ARH : Qu’est-ce qui vous a conduit à suivre la formation en 2 ans à l’ARH, est-ce que c’était logique dans votre parcours ?
Mickaël Mary : Comme je suis botaniste de formation mon parcours professionnel m’a amené à vraiment me spécialiser en botanique. Mais en parallèle depuis l’âge adulte je m’intéresse énormément à la phytothérapie : j’utilisais déjà les plantes régulièrement, pour me soigner, des plantes sèches pour les tisanes ou des huiles essentielles. Les plantes, je les connaissais aussi par le biais de mes connaissances scientifiques et techniques sur le terrain et à un moment donné ces 2 pans se sont entrecroisés et j’ai commencé à beaucoup m’intéresser aux usages des plantes à travers l’histoire, aux savoirs-faire traditionnels… j’ai eu envie d’approfondir tout cela ! J’ai envisagé juste avant d’arriver au Conservatoire du littoral il y a une quinzaine d’années de me réorienter pour approfondir l’usage des plantes tout en continuant de developper les connaissances scientifiques autour des plantes. J’ai mis de côté ce projet (m’installer comme producteur-cueilleur) …qui s’est finalement réactivé il y a cinq ans. J’ai donc suivi la formation à l’ARH dans le cadre d’une reconversion, soutenu par mon employeur. J’ai annoncé au Conservatoire que je souhaitais me reconvertir et on m’a permis de faire cette formation, que j’ai terminée en 2015. Je souhaitais développer mes connaissances en pharmacognosie (l’usage des plantes pour leurs propriétés médicinales) et une approche plus scientifique à travers la biochimie (les différentes molécules que l’on pouvait mobiliser dans les différentes plantes.) La formation à l’ARH m’a permis d’avoir une vision plus globale, à travers la pharmacognosie et la physiologie humaine. Cela m’a permis de compléter mes connaissances en botanique et en écologie et d’avoir une formation qui remette à plat des connaissances que j’avais grâce à ma pratique au quotidien. Il est utile parfois de revenir à des enseignements plus magistraux.
Je voulais vraiment d’apprendre l’herboristerie par le biais d’une école, notamment par militantisme autour du diplôme : il faudrait que ce diplôme renaisse un jour !
ARH : Et donc ces connaissances que vous avez acquises avec l’ARH, il n’était pas possible de les obtenir de façon plus classique, par un cursus universitaire par exemple ?
Mickaël Mary : Je m’étais intéressé depuis pas mal de temps au métier d’herboriste et pour moi le fait de passer par une école d’herboristerie, était aussi une forme de militantisme. Je souhaitais que ce soit une école d’herboristerie, pas un diplôme universitaire dans une université. Je voulais vraiment apprendre l’herboristerie par le biais d’une école notamment par militantisme autour du diplôme : il faudrait que ce diplôme renaisse un jour !
ARH : Le militantisme, c’est donc quelque chose qui fait partie de votre vie ?
Mickaël Mary : Oui, tout à fait ! Il y a vraiment deux univers dans le monde des plantes. D’un côté le scientifique, le chercheur, les naturalistes ou les botanistes qui s’intéressent au monde des plantes à travers leurs connaissances, et puis d’un autre côté il y a le monde du bien-être où on utilise des plantes pour le soin, la santé, le mieux être. Il n’y a pas forcément de passerelles entre ces différents univers. Moi qui viens de ces deux mondes, j’ai trouvé dans les écoles d’herboristerie un peu de ces passerelles, c’est pour cela que j’ai souhaité suivre une formation dans une école d’herboristerie. Notamment à l’ARH, où l’on enseigne l’écologie, la botanique et la physiologie humaine, la pharmacognosie. C’est un panel assez large d’enseignements, qui permet de créer des connexions.
ARH : Pouvez-vous présenter votre activité aujourd’hui ?
Mickaël Mary : Aujourd’hui je suis producteur-cueilleur et transformateur de plantes médicinales. Je fais à la fois de la culture et de la cueillette sauvage. 60 % des plantes que j’utilise proviennent de la cueillette sauvage et 40 % proviennent de mes cultures. Je cultive uniquement les plantes que je ne peux pas cueillir de façon sauvage chez moi en Normandie, donc des plantes méridionales (lavande, romarin, thym, origan…) ou plutôt des plantes qui ont des affinités avec le milieu calcaire, car j’habite dans le Massif armoricain qui est un massif granitique. Je cueille en sauvage les autres plantes, et l’idée est de prélever en milieu naturel, parce que c’est un gage de qualité de la plante et de concentration en principes actifs. Il est important d’avoir une cueillette responsable : je suis écologue et venant d’un réseau des espaces protégés, j’ai forcément un regard particulier sur mes prélèvements en milieu naturel et je fais donc un effort particulier avec des suivis… je travaille notamment avec le département du Calvados où j’ai une convention de cueillette sur leurs espaces naturels protégés. En contrepartie il y a une observation et un suivi sur l’impact de mon prélèvement. Je cultive environ 3000 m² non mécanisés et j’utilise les paillis végétaux pour limiter l’enherbement. Une partie de mes récoltes est séchée pour être transformée sous forme de tisanes : tisanes simples (plantes simples) ou tisanes composées (création de mélanges). Une autre partie de mon activité concerne des produits de type ”compléments alimentaires” : la réalisation d’alcoolatures et de macérâts de bourgeons pour la gemmothérapie.
j’avais vraiment à cœur de réhabiliter ces savoirs anciens : une grande diversité de produits où la plante est transformée sous différentes formes.
Je fais également de l’extraction de sève de bouleau fin février/début mars. L’idée est d’avoir une gamme assez élargie de produits d’herboristerie, les personnes qui viennent me voir ont le choix entre des tisanes, de la sève de bouleau quand c’est la période, des sirops médicinaux, des alcoolatures, des macérâts de bourgeons… j’avais vraiment à cœur de réhabiliter les savoirs anciens : une grande diversité de produits où la plante est transformée sous différentes formes. Chaque forme galénique a son avantage, par rapport à la personne selon la forme de la prise ou la concentration en principes actifs.
ARH : Avez-vous rencontré des difficultés dans le démarrage de votre activité ?
Mickaël Mary : J’ai lancé mon activité progressivement parce que j’étais encore à mi-temps au Conservatoire du Littoral et j’ai eu ce privilège d’avoir une activité en salarié en parallèle. Bien sûr il y a les inconvénients par rapport à l’implication nécessaire au lancement d’une nouvelle activité quand on a gardé l’ancienne : c’est assez fatigant. Au niveau administratif c’est très chronophage : On est constamment en train de faire des dossiers ou d’améliorer les dossiers en question. Je refais régulièrement mes étiquettes : la réglementation évolue, et s’il y a un élément que l’on n’a pas vu, il est possible d’oublier une mention qu’il faudra donc rajouter sur l’étiquette. Mais je n’ai pas eu trop de difficultés d’un point de vue administratif.
ARH : Quelles sont vos points forts dans cette activité ?
Mickaël Mary : Ma connaissance du monde végétal et des milieux naturels m’a permis de démarrer mon activité rapidement. J’étais déjà à l’aise avec les différentes plantes, je savais où trouver les plantes en milieu sauvage, je connaissais les types de milieux, donc dès la première année j’étais opérationnel. Avoir diversifié mon activité a aussi été un avantage. Cela implique peut-être de courir un peu parce que je commence mi février et que je termine à l’automne mais en même temps cela permet d’avoir une gamme étendue et de ne pas vraiment avoir de creux dans mon activité. La diversification me permet d’asseoir mon activité et d’éviter qu’elle soit trop dépendante d’un seul produit.
ARH : Comment vendez-vous vos produits ? Quels sont vos canaux de vente ?
Mickaël Mary : J’ai fait le choix de vendre par intermédiaires essentiellement. Ayant au début une double activité, je ne pouvais pas me permettre de faire des marchés, je n’avais pas le temps. Donc je vends l’essentiel de mes produits dans des magasins d’alimentation biologique. Je fais de la vente directe également, et je commence à être connu : je peux vendre mes produits en direct. J’ai fait aussi quelques événementiels : des fêtes thématiques, associatives, autour du développement durable et de l’écologie.
Prélever dans le milieu naturel est intéressant, mais pas n’importe comment, et pas sous n’importe quelle condition.
ARH : Comment est perçue votre activité ?
Mickaël Mary : Je mets en valeur le fait d’avoir plusieurs entrées en terme de compétences : mes compétences scientifiques et mes connaissances acquises en botanique et en écologie me démarquent un petit peu . D’autres producteurs ont d’autres approches : j’ai des collègues très compétents qui ont des connaissances en médecine alternative ou en médecine chinoise. En ce qui me concerne c’est l’approche scientifique et technique qui est reconnue quand j’échange avec d’autres producteurs, j’ai une connaissance de milieux naturels et de l’écologie qui me permet d’apporter des éléments complémentaires. En plus de la production et de la transformation, je développe beaucoup la formation.
Dans mes formations j’insiste beaucoup sur la préservation des écosystèmes.
Je forme le grand public à travers des journées ou des stages d’un jour ou deux en herboristerie ou en transformation de plantes médicinales. Il est primordial de transmettre ses connaissances et son savoir-faire. Dans mes formations j’insiste beaucoup sur la préservation des écosystèmes, en mettant aussi en exergue les travers qu’on observe dans la société : je prends souvent l’exemple des huiles essentielles qui peuvent être un moteur de destruction des milieux naturels dans les pays où les plantes sont cueillies en sauvage. Dans mon activité je mets en avant que prélever dans le milieu naturel est intéressant, mais pas n’importe comment, et pas sous n’importe quelle condition. C’est important pour moi, et je le mets beaucoup en avant dans mes formations.
ARH : Comment vous êtes-vous fait connaître ? Grâce au bouche-à-oreille ?
Mickaël Mary : Grâce au bouche-à-oreille, bien entendu, et j’ai la chance aussi d’habiter une commune où nous sommes huit agriculteurs biologiques. Je cueille mes plantes chez des collègues qui ont fait jouer leur réseau pour me faire connaître auprès de leurs clients ou auprès des magasins qu’ils livraient. Je n’ai pas eu besoin de faire beaucoup de démarchage. Je me suis mis donc à vendre assez rapidement. Il y a aussi internet, et l’ARH qui a également communiqué sur mes stages. Les salons permettent également de rencontrer énormément de gens.
ARH : Pensez-vous que les activités professionnelles autour des plantes aient de l’avenir ?
Mickaël Mary : C’est une évidence ! Il y a une telle demande ! Le seul facteur limitant pourrait être le fait d’avoir des réglementations contraignantes ou inadaptées. Les réglementations ne sont pas un mal, au contraire, mais quand elles sont inadaptées, elle sont contre-productives. Le grand public, lui, est prêt ! Il y est sensibilisé et il n’attend que cela : il y a une vraie demande, une vraie volonté, un vrai besoin. Il faut pouvoir offrir une éducation au grand public sur l’usage des plantes et la manière de bien les utiliser, de savoir reconnaître un bon d’un mauvais produit.
Dans l’enseignement de l’herboristerie il est capital de bien intégrer toutes les dimensions liées à la plante.
J’aimerais ajouter que dans l’enseignement de l’herboristerie il est capital de bien intégrer toutes les dimensions liées à la plante : il ne faut pas se limiter à l’efficacité ou à l’usage de la plante pour le bien-être ou pour le soin et la santé. Il est très important d’enseigner également tout ce qu’il y a à-côté et derrière. Il faut donc bien comprendre le monde végétal, en interne : la plante elle-même, sa physiologie. Mais comprendre aussi les interactions de la plante avec le monde extérieur : les écosystèmes, l’écologie, et la botanique qui permet de bien reconnaître les plantes et de les déterminer. Dans une école d’herboristerie ce sont des éléments qui me paraissent indispensables et qui ne sont pas secondaires, mais primordiaux. On pourrait imaginer que l’idéal serait de connaître avant tout les propriétés liées aux plantes. Ce serait une erreur, parce que les propriétés liées aux plantes dépendent fortement de la manière dans les plantes ont pu croître, dans quel type d’environnement ou de milieu. Tout est indissociable ! Une bonne formation d’herboristerie doit donc intégrer l’ensemble de ses composants, c’est ce que fait l’ARH dans son programme. Ce sont des enseignements qu’il faut continuer de développer, d’amplifier, d’améliorer : c’est très important. C’est un atout de l’ARH que de continuer à avoir une telle approche.