François Araujo est installé en Gironde, comme producteur de légumes, plantes médicinales, plants et tisanes. Un parcours original que nous avons souhaité vous faire découvrir.
ARH : Quelle était votre activité avant de vous installer comme agriculteur, et comment y êtes vous parvenu ?
François Araujo : J’ai travaillé 15 ans comme réparateur de téléviseurs. Mais je trouvais le travail de salarié trop rigide. J’ai des enfants en bas âge, je voulais être libre dans mon travail. Il n’était pas question de les mener à la crèche le matin, et les ramener à la maison le soir pour les coucher… Puis ce sont des opportunités et une analyse de la filière qui m’ont orienté vers ce que je fais aujourd’hui : j’ai eu la chance de pouvoir démarrer en couveuse, et la filière bio ne s’en sort pas trop mal.
J’ai d’abord fait un BPREA (Brevet Professionnel de Responsable d’Exploitation Agricole) pour avoir un diplôme agricole. Lors d’un module du BPREA sur les plantes médicinales, j’ai découvert l’ARH via d’anciens élèves qui étaient là. Au terme de mon BPREA, j’ai alors débuté la formation, en même temps que le démarrage de mon activité dans la couveuse.
ARH : Quel est le principe d’une couveuse ?
François Araujo : C’est une pépinière d’activité agricole. J’étais demandeur d’emploi, et j’avais un projet de création d’entreprise. Grâce à la SAS Graines, qui gère la couveuse, j’ai bénéficié d’un prêt de parcelle à titre gratuit, sur laquelle j’ai pu cultiver pendant 3 ans pour tester la faisabilité de mon entreprise agricole. J’ai également reçu un appui technico-économique, juridique et humain. En n’étant pas issu du milieu agricole, une installation sans passer par là est vouée à l’échec. Pour moi, c’était ça ou retourner réparer des télés.
ARH : Pouvez-vous présenter votre activité aujourd’hui ?
FA : Je cultive aujourd’hui 1,5 hectares et je vais acquérir très prochainement 2 hectares supplémentaires. Je travaille toujours sur la parcelle que j’avais en couveuse, que j’ai désormais en bail agricole. Je produis des plants, des légumes et des PPAM (Plantes à Parfum, Aromatiques et Médicinales), que je sèche. J’élabore des tisanes avec mes plantes sèches.
«Mon séchoir ne suffit plus. Je construis un séchoir plus grand, d’une cinquantaine de m², qui me permettra de sécher 500 kg de plantes. »
FA : Je vends principalement sur les marchés et sur des petites foires. Environ 50% de mes tisanes sont vendues sur internet. En 3e année de couveuse, j’ai fait 10 000 euros de chiffre d’affaires en tisanes. Mon séchoir, que j’utilise aussi pour le stockage de mes tisanes, ne suffit plus. J’ai donc mis en suspens les tisanes, et je construis un séchoir plus grand, d’une cinquantaine de m², qui me permettra de sécher 500 kg de plantes. Grâce à cette diversité de productions, tous les 3 mois, je change de métier : au printemps, je fais des plans, en été c’est la période de cueillette, et l’hiver c’est l’ensachage. Cette année, je n’ai pas de plantes médicinales, et cette diversité me manque !
J’ai élaboré ma gamme de tisanes en essayant de répondre aux attentes basiques des consommateurs : digestion, détente, drainage, rhume, toux… Et je leur ai donné des noms très simples : « Assa-i », qui est mon nom de Capoeira, et un verbe selon leurs vertus (Assa-i tousse, Assa-i stimule…). J’ai d’abord fait des petits essais en famille, et j’ai montré les recettes à Christine Cieur, pharmacienne et professeur à l’ARH, ce qui m’a permis de faire quelques ajustements. Concernant les vertus des plantes, on ne doit pas se prendre pour ce que l’on n’est pas, il faut être très vigilent sur ce que l’on écrit et ne pas faire de tapage autour du médicinal.
ARH : Quels ont été vos facteurs de succès, et quelles difficultés rencontrez-vous ?
François Araujo : Ma réussite n’est pas encore faite. Je débute encore, bien que j’arrive à toucher beaucoup de monde, et j’ai parmi ma clientèle des gens très fidèles. Je pense que la qualité de mes produits, surtout au niveau gustatif, et le critère « local », sont une partie de ce succès. Leur originalité également, j’essaye de faire des tisanes qui sortent de l’ordinaire.
La principale difficulté que je rencontre est le temps de travail. J’avais conscience de cela avant de me lancer, mais c’est difficile d’arriver à suivre. Je fais souvent mes ensachages au dernier moment. Idéalement, il faudrait embaucher une personne pour cela, mais économiquement, ça ne passe pas. Ou alors, il faudrait passer à une autre échelle… Je reçois régulièrement des stagiaires, qui m’apportent une grande aide. En échange, je ne leur cache pas les réalités économiques, je ne veux pas les laisser rêver ! C’est difficile de vivre de la production de plantes. Il faut souvent le coupler à autre chose : des gîtes, une autre production…
«Je suis pris au sérieux lorsque je parle de la formation que j’ai suivi, même par exemple par des gens qui sortent du DU (Diplôme Universitaire) Phytothérapie. »
FA : Dans mon cas, la production de plants et de légumes est très complémentaire puisque les équipements sont mutualisés par exemple.
ARH : Que vous a apporté la formation à l’ARH ?
FA : Je l’ai pris comme un réel bonus ; j’ai appris du vocabulaire, des savoir-faire, et j’ai beaucoup appris sur le relationnel. Dans mon activité, c’est aussi une reconnaissance : je suis pris au sérieux lorsque je parle de la formation que j’ai suivi, même par exemple par des gens qui sortent du DU (Diplôme Universitaire) Phytothérapie.
ARH : Comment est perçue votre activité par votre entourage ?
François Araujo : C’est génial. Regardez autour de vous, personne n’est bien dans son boulot, tout le monde veut changer. J’ai pris le risque de choisir ma vie, et ça donne envie à plein de gens. Mais il faut être capable de s’investir 24 heures par jour et 365 jours par an ; on est toujours connecté à notre projet.
ARH : Pensez-vous que les activités professionnelles autour des plantes ont de l’avenir ?
François Araujo : La filière PPAM est la seule filière agricole en croissance : on importe 80% des plantes, c’est autant de parts de marchés à conquérir. Tout le monde consomme de la tisane en France, à un moment de sa vie. Mais pourtant ça reste très confidentiel. Il y a besoin de structurer les filières. Après, sur des systèmes en circuits courts, je dirais oui, mais pas en mono-activité. Ou alors il faut passer à une autre échelle. Mon idée serait de trouver un partenaire pour mettre en commun nos productions, être un acteur libre et pouvoir répondre à n’importe quelle demande.
François Araujo