Jean-Pierre Nicolas,
humanitaire et plantes médicinales

Jean-Pierre Nicolas a suivi la formation ARH dans la première promotion. Il a créé il y a plus de 20 ans une association humanitaire, qui a pour objectif principal la valorisation de l’usage des plantes médicinales dans la santé communautaire, là où les populations ont difficilement accès à la médecine conventionnelle. Jean-Pierre Nicolas nous en dit plus.

 

ARH : Quelle formation initiale avez-vous, et comment a débuté l’aventure de Jardins du Monde ?

Jean-Pierre Nicolas : Après un diplôme d’état d’animateur socio-culturel, j’ai fait des études de sociologie. Je travaillais dans le secteur social, auprès de publics défavorisés ou exclus. C’était difficile, et mon échappatoire était mon jardin ; je me suis alors intéressé aux plantes. Il m’a semblé utile de structurer mes connaissances, je me suis donc inscrit à l’ARH, qui débutait sa formation par correspondance, sans trop savoir où cela me mènerait. Mais j’ai pris la formation au sérieux et me suis investi. J’ai poursuivi avec un DEA d’ethnologie à Brest. Puis j’ai eu envie de partir à l’étranger, et j’ai eu l’occasion de partir au Guatemala en soutien à des ONG auprès des réfugiés et victimes de la guerre. Je me suis rendu compte de la richesse de leur flore médicinale, et j’ai commencé à former les gens là-bas, sur la base des connaissances acquises à l’ARH. J’ai signalé cette activité à une professeure de l’ARH, également responsable du laboratoire de botanique de la faculté de pharmacie de Lille. Elle m’a conseillé de poursuivre en anthropologie à la Sorbonne et sciences de la nature à la faculté de Lille. En parallèle, j’ai reçu des demandes de plusieurs associations : Médecins Sans Frontières, Vétérinaires Sans Frontières, Enfants réfugiés du Monde pour des travaux sur le terrain… Je répertoriais les plantes, les étudiais d’un point de vue scientifique, sélectionnais les plus actives, dénuées de toxicité afin de proposer des formations à leurs agents de santé. Ces formations se faisaient sur la base de jardins. Je mettais alors en place des jardins, des séchoirs et des laboratoires de transformation des plantes en produits officinaux de base. J’ai alors fondé Jardins du Monde, pour répondre aux nombreuses demandes qui émanaient des populations locales, D’abord en Amérique Centrale, puis en Afrique et Asie.

ARH : Quelles actions réalisez-vous lors de vos missions à l’étranger ?

JP N : Nous répertorions la flore médicinale, et travaillons avec les populations locales et les tradipraticiens pour inventorier toutes les plantes utilisées. Nous arrivons dans cet état d’esprit : « c’est eux qui connaissent leur flore médicinale, c’est donc eux qui vont nous l’enseigner ».

À Madagascar par exemple, nous appuyons aussi les populations sur la production, la transformation et la commercialisation de plantes.

Ensuite, nous reprenons ces plantes d’un point de vue scientifique : identification botanique, principaux constituants chimiques, toxicologie, propriétés et usages, et prenons position quant à leur utilisation. Généralement, les populations connaissent les toxicités aigües des plantes, plus rarement les toxicités chroniques. Nous ne valorisons que les plantes sûres, qui ne présentent aucun risque. Nous mettons en place des jardins de production, des installations de séchage et de transformation des plantes. Un travail de vulgarisation et de formation est fait pour qu’un maximum de personnes puisse en bénéficier. Nous publions des guides et des plaquettes pour la population. Nous formons également les médecins sur les propriétés des plantes, en utilisant un vocabulaire scientifique. Nous faisons en quelque sorte l’interface entre le discours traditionnel et le discours scientifique. Nous essayons de mettre en place une filière de production. À Madagascar par exemple, nous appuyons aussi les populations sur la production, la transformation et la commercialisation de plantes. Au Guatemala, ce sera plus les produits officinaux qui seront commercialisés.
Nous intervenons uniquement sur demande des populations locales, et travaillons en collaboration avec les ministères de la santé des pays où nous sommes. Nous utilisons la plante au sein d’un protocole de soins, et non comme on fait en chimie. Par exemple, lorsqu’il y a diarrhée, il faut aussi penser à la réhydratation, et la prévention bien sûr. On ne sort pas le traitement du contexte du patient, on prend en compte l’environnement, la nutrition…

ARH : Dans quels pays êtes-vous présents ?

JP N : Nous sommes au Guatemala depuis 22 ans maintenant, au Burkina Faso et à Madagascar depuis 10 ans. Nous avons également travaillé au sud du Honduras, au Chili, Tibet et Mongolie. Nous fonctionnons beaucoup avec des volontaires, et salarions des personnes locales pour conduire les projets sur le terrain. Avec preuves à l’appui et soutien des autorités sanitaires, on peut dire que ça fonctionne !

La formation de l’ARH a même été le déclencheur : sans cela, je n’aurais pas fait tout ça.

ARH : La formation de l’ARH vous a-t-elle été utile ?

JP N : La formation de l’ARH a même été le déclencheur : sans cela, je n’aurais pas fait tout ça. J’ai beaucoup apprécié la relation avec les professeurs, le suivi individuel ; et le côté réseau : je revois souvent des gens qui ont fait l’ARH. Le contenu de la formation donne des bases scientifiques solides, qui sont indispensables pour travailler dans les plantes. Il faut être pluri-disciplinaire, prendre en compte l’humain, être à l’écoute. Ce n’est pas adapté aux personnes « tête en l’air », il faut être dans la réalité. Quand on s’intéresse au pathologique, on est dans la souffrance des gens, il faut des compétences sociales et surtout les respecter. En tout cas, l’avenir, c’est les plantes !

Jardins du Monde
Jean-Pierre Nicolas
15 rue Saint Michel
29190 BRASPARTS

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